jeudi 13 mai 2010

C’est pas tout, il faut vendre ! (Partie 1 : Distribution, modèle d’affaires et avantage concurrentiel)

J’ai beaucoup de discussions avec mes étudiants sur le thème de la distribution. Je me rends compte que c’est un aspect du modèle d’affaires qui est peu abordé dans leurs études. Cela amène plusieurs réflexions et tant qu’à les faire, je les partage.

1. Le modèle de distribution doit être cohérent avec le modèle d’affaires et l’avantage concurrentiel.

Le mode de distribution est un élément majeur du modèle d’affaires puisqu’il structure l’accès au marché. De multiples modèles sont possibles : vente par Internet, réseau détenu en propre, distributeurs, franchises, vente à domicile, etc. Le modèle de distribution peut être un facteur de différenciation sur lequel construire un avantage concurrentiel. Au Québec, le choix des emplacements des magasins de bijoux et accessoires Bizou est un facteur clé de son succès.

La structure de distribution d’Apple est particulièrement rentable. Elle combine un réseau d’Appelstores très rentables qui en outre entretiennent l’image de marque et génèrent autour de 20% du chiffre d’affaires, avec un réseau de distributeurs qui permettent à la marque d’être partout et une distribution par des partenaires, compagnies téléphoniques, qui génère des revenus très importants puisque Apple a négocié des conditions exceptionnelles : autour de 20% des abonnements et des revenus générés par les abonnements et les frais d’utilisation liés au iPhone sont reversés à Apple.

Attention à ne pas détruire un avantage concurrentiel lié au mode de distribution. Ainsi au début des années 2000, l’analyse de Tupperware s’est révélée désastreuse (source : Management, n° 174, avril 2010, 30-31). La marque avait décidé de faire évoluer son réseau de distribution. Pour la première fois, un accord avait été conclu avec la chaîne d’hypermarchés Target aux Etats-Unis pour distribuer cinquante produits dans 1150 points de vente. Pour cela Tupperware dut réduire ses prix et engager une force de vente dédiée. Le résultat fut rapide et sans appel : rentabilité divisée par deux en sept semaines, deux tiers des démonstratices perdues (elles n’arrivaient plus à trouver des clientes qui pouvaient trouver les mêmes produits moins chers dans les supermarchés). Huit mois plus tard l’expérience était abandonnée. Depuis le groupe a renoncé à être distribué sur Internet et en magasin pour se concentrer sur un modèle de distribution par vente à domicile qui est au cœur de son avantage concurrentiel :
- Il répond au besoin d’information des clientes. Les produits sont sophistiqués et nécessitent des argumentaires détaillés. La démonstration à domicile permet de valoriser la qualité des produits. D’ailleurs la valeur-ajoutée de ces réunions a augmenté. Depuis cinq ans, la marque organise de véritables ateliers cuisine durant lesquels la démonstratrice donne un cours de cuisine.
- Il permet de maintenir la marge en réduisant les coûts de distribution.
- Il construit l’image de proximité de Tupperware et permet de faire remonter de l’information riche sur les besoins et attentes des clients, extrêmement intéressants pour l’évolution de l’offre.

Conclusion :
Avant de prendre une décision quant à l’évolution de son modèle de distribution il faut donc bien comprendre en quoi il est un élément de constitution de l’avantage concurrentiel :

- En quoi répond-il aux besoins des clients (accessibilité, expérience d’achat, coûts de distribution intégrés dans le prix)?
- Comment il contribue-t-il au modèle économique de l’entreprise ?
- En quoi il contribue-t-il à construire l’image de marque qui fidélise les parties prenantes (clients, salariés, partenaires, etc.)?



Les prochains billets exploreront trois autres facettes du même thème :
2. Il faut penser la distribution en multicanal
3. On ne peut réfléchir distribution sans penser chaîne de valeur
4. De l’innovation est possible, même dans les modes de distribution

2 commentaires:

guillaume.virag a dit…

Le concept de magasin éphémère est vraiment intéressant et même excitant.

Par ailleurs, où peut-on trouver quelques idées très concrètes quant aux types de logistiques et de systèmes d'informations qui correspondent à l'intégration des canaux ?

Merci d'avance

Guillaume Virag
Entrepreneur

Jean-François Rougès a dit…

Guillaume,
Je fais quelques recherches et vous reviens là-dessus.